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Le Blog PS Fréjus

A Fréjus, les musulmans ont enfin leur mosquée

25 Janvier 2016 , Rédigé par socialistes frejussiens

Le préfet s'est substitué à David Rachline, maire FN de la ville, en autorisant l'ouverture provisoire du lieu

De mémoire de préfet ", il n'a jamais vu ça. Pierre Soubelet, représentant de l'Etat dans le Var, a signé, dans la soirée du jeudi 21 janvier, un arrêté autorisant l'ouverture provisoire de la mosquée de Fréjus. Sur ordre du Conseil d'Etat, il s'est substitué au maire de la ville, le frontiste David Rachline, qui refusait d'exécuter une injonction en ce sens du même Conseil d'Etat, prise deux mois plus tôt. " Je pense que c'est inédit dans l'histoire du corps préfectoral ", commente M. Soubelet. Lui aimerait " sortir rapidement " de ce sujet qui " empoisonne un peu la vie locale ".

Depuis l'achèvement des travaux de construction de leur mosquée, au printemps 2015, les musulmans du quartier de La Gabelle étaient contraints de prier dehors, face à l'édifice flambant neuf qu'ils ont eux-mêmes financé. " On passe d'un islam des caves et des parkings à un projet autonome de 1,5 million d'euros autour duquel la communauté a réussi à se structurer ", souligne Me Moad Nefati, l'un des conseils de l'association El Fath, qui gère la mosquée.

Au-delà de l'arrêt de référence du Conseil d'Etat, promis à une belle place dans le recueil Lebon de la jurisprudence administrative, on pourrait croire que l'histoire se résume à celle d'un maire Front national qui s'oppose à ce que la communauté musulmane, après avoir prié des années dans des garages réaménagés, dispose d'un lieu de culte digne de ce nom.

Mais ce serait passer à côté des autres protagonistes – barons locaux et aspirants – de cette querelle politique. Car ils contribuent à nourrir le contentieux qui entoure la mosquée et qui s'est traduit par une dizaine de procédures, dont une bonne partie est encore pendante devant les juridictions : " C'est un superbe cas pratique, ironise Me David Faure-Bonaccorsi, également avocat de l'association.Il y a du droit civil, du pénal, de l'administratif, des référés-liberté… "

Il y est principalement question des permis de construire accordés de façon peu rigoureuse – en 2011 et 2013 – à l'association El Fath par l'ancien maire UMP de Fréjus, Elie Brun. Un homme dont la longue mandature a été marquée par le clientélisme et les affaires. Les requérants – parmi lesquels, ironie de l'histoire, la préfecture du Var – invoquent tour à tour la caducité du permis à cause de travaux trop tardifs, une fraude du fait de titres de propriété un temps manquants et surtout une méconnaissance du plan de prévention des risques d'inondation. Le tribunal de grande instance de Draguignan doit se prononcer le 26 février et, selon son délibéré, il pourrait demander la démolition de l'édifice.

" Problème de stationnement " L'issue du contentieux est incertaine. Quant à son origine, la droite se la dispute. Ainsi, Georges Ginesta, le maire Les Républicains (LR) de Saint-Raphaël et député du Var, commune voisine et rivale de toujours, explique qu'il est celui qui a déposé le premier recours administratif contre le permis de construire, en octobre 2013. " Le problème, c'est qu'il était écrit qu'ils seraient plus de 2 000 personnes, sans les places de parking qui vont avec, justifie le septuagénaire qui est aussi président de l'agglomération et patron de la fédération LR du Var. Or, ma ville est voisine donc les fidèles allaient forcément se garer sur Saint-Raphaël et ça allait poser un problème de stationnement. "

C'est donc un baron de la droite républicaine locale qui a ouvert les hostilités. Mais Philippe Mougin, conseiller municipal d'opposition LR à Fréjus, rappelle que c'est lui qui, le premier, a " révélé " que la mosquée allait être " surdimensionnée " : " C'était dans un de mes premiers tracts ", explique ce candidat malheureux à l'élection municipale de 2014. Un scrutin qui a vu, à droite, les candidats à la succession de M. Brun se précipiter sur le " dossier " de la mosquée.

" C'est révélateur de l'ambiance qui règne dans le Var, analyse Tarik Belkhodja, du Parti socialiste. Et des crispations d'une partie de la population, à l'image des rapatriés d'Algérie qui se sont radicalisés et des classes moyennes qui se paupérisent… " De façon inattendue, le maire et sénateur du Var David Rachline se voit même reprocher son " ambiguïté ". " Il est arrivé à la mairie en mars 2014 quand il n'y avait qu'une ébauche de travaux, retrace M. Ginesta. Il a pris un arrêté interruptif des travaux en novembre, quand ils étaient déjà achevés. Il n'a pas non plus fait le référendum qu'il avait promis. " Pour Philippe Mougin, " il n'a rien fait sur instruction de sa patronne qui ne voulait pas créer de polémique ". M. Rachline n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien.

Quant à l'association El Fath, elle croit que l'élu n'était pas pressé d'agir jusqu'à ce que des sites identitaires tels que Fdesouche le pressent de dépasser ses atermoiements. Mais pour ces croyants, vendredi 22 janvier, l'heure était surtout aux réjouissances puisque la mosquée ouvrait pour la première fois. Afida et Houda, deux femmes d'une cité HLM voisine, n'étaient plus venues depuis deux ans. Par curiosité ou solidarité, certains musulmans avaient fait le déplacement depuis Marseille, Toulon ou Nice. " On est là et il va falloir que le maire fasse avec nous ", lancent Rachid et Mohamed, deux fidèles de Saint-Raphaël.

Les responsables associatifs, notamment le président Driss Maaroufi, 65 ans, ou le jeune bénévole Oualid Afras, 26 ans, parlent déjà d'organiser " une journée portes ouvertes ". Ils veulent faire savoir que leur islam est " pacifique ", qu'ils aspirent à la " discrétion ". " Les élus parlent depuis leur bureau et ne savent pas ce qu'il se passe ici ", regrette un fidèle.

De fait, s'ils s'étaient déplacés vendredi, ils auraient vu une mosquée pleine dans laquelle ne s'étaient pourtant pas réunies plus de 700 personnes. La menace des 2 000 fidèles affluant de toute la région paraît peu réaliste. Mais dès qu'on s'éloigne du quartier de La Gabelle, elle enfle à nouveau. Sur le parking d'un supermarché, une femme aux cheveux grisonnants range ses courses dans sa voiture : " La mosquée, ils devaient la détruire et on était tous très contents. C'est une question de proportion. Elle est énorme, elle est plus grosse que la cathédrale. " Non loin, Monique, 74 ans, abonde : " La ville ne justifie pas la construction d'une mosquée. Nous, on n'en a pas besoin, ça nous servira pas beaucoup. " Et puis : " Maintenant, elle y est, elle y est. "

Julia Pascual pour Le Monde du 23.01.2016

Photo de Philippe ARNASSAN/ PHOTOPQR NICE MATIN/MAXPPP

Photo de Philippe ARNASSAN/ PHOTOPQR NICE MATIN/MAXPPP

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